Vers une fin de la guerre des prix des bananes ?

Depuis quelques jours, la chaîne de supermarché Lidl ne propose plus qu’exclusivement des bananes issues du commerce équitable dans ses magasins. Elle est la première enseigne sur le marché belge à faire le pas du 100% de Fairtrade (ex-Max Havelaar) . C’est une étape importante qui fait renaître l’espoir d’une fin de la guerre des prix des bananes entre les supermarchés. Une guerre aux conséquences désastreuses pour les producteurs et travailleurs de plantations.

De l’amour à la guerre… des prix

La banane fait partie des fruits préférés des belges et des européens. Nous en épluchons en moyenne une douzaine de kilos par an et par personne sur notre continent. Souvent, c’est le tout premier fruit proposé à nos enfants et nous lui prêtons nombre de qualités nutritives. Les bananes sont par exemple chargées en potassium, ce qui aide à réguler la fonction cardiaque et la pression artérielle. Mais cet amour pour les bananes peut avoir un coût bien plus important qu’il en a l’air.

La banane est typiquement un produit d’appel : souvent positionné à l’entrée du supermarché, elle fait partie de ces produits utilisés par les enseignes pour se positionner par rapport aux concurrents. Son prix pourrait même amener le consommateur à changer de supermarché. Ce qui explique une guerre menée par la grande distribution, qui cherche à convaincre les consommateurs à coup de promotions. Mais un prix cassé ne prend généralement pas en compte les impacts négatifs, ni sur la qualité de vie des communautés qui doivent vivre de la culture de la banane, ni sur leur environnement.

Qui paye ?

Ce type de pratiques a un coût. La pression incessante sur le prix de la banane a de lourdes conséquences dans les pays producteurs : pertes d’emplois, précarisation de la main-d’œuvre, non-respect des droits des travailleurs, marginalisation des producteurs, pratiques agricoles non-durables, destruction des forêts, pollution, etc.

Dans ce contexte, pour les agriculteurs et les travailleurs du secteur de la banane, il est illusoire d’espérer obtenir des améliorations en termes de revenus, d’accès à des services tels que l’éducation et les soins de santé ou de meilleures conditions de logement, alors qu’ils en ont cruellement besoin. Et ne parlons pas de la perspective d’investissement dans une production plus durable et plus respectueuse de l’environnement, qui a pourtant un impact direct sur la qualité de vie et la santé des travailleurs et producteurs.

« Le prix que nous obtenons pour nos produits ne nous suffit pas pour maintenir notre production ici. Il est trop faible pour que nous ayons une bonne qualité de vie, ou du moins une vie décente. Nous ne voyons pas de profit réel, malgré les efforts que nous avons déployés. C’est frustrant », explique Albeiro Alfonso Cantillo, producteur de bananes à Cienaga, dans la région bananière de Magdalena, dans le nord de la Colombie.

Les producteurs et les travailleurs des plantations sont les dommages collatéraux de la pression sur les prix. Ce sont eux qui endurent les conséquences de nos bananes bon marché.

Une première en Belgique – un pas de géant

Si des enseignes britanniques et néerlandaises ont déjà franchi le pas il y a plusieurs années, l’engagement de Lidl pour les bananes équitables est une première en Belgique. L’enseigne tend ainsi la main aux producteurs – qui sont désormais assurés de meilleurs revenus et conditions de travail sur le long terme – et répond à la demande du consommateur, de plus en plus attentif aux aspects durables de ses achats.

En 2019, la consommation annuelle totale de bananes en Belgique atteindra près de 90.000 tonnes. Lidl en vend environ 14 millions de kilogrammes chaque année. Grâce à ce nouvel engagement pour 100% de bananes certifiées Fairtrade, près de 1 banane sur 3 sera équitable en Belgique d’ici la fin de l’année.

« Cela représente avant tout une avancée majeure pour des milliers de producteurs et de travailleurs dans les plantations de bananes en Colombie », déclare Nicolas Lambert, directeur de Fairtrade Belgium. « L’impact et le volume sont étroitement liés : plus les clients choisissent des produits équitables, plus l'impact sur les revenus et la qualité de vie des agriculteurs est important. Des volumes élevés sont donc fondamentaux pour provoquer des changements à grande échelle. »

La banane, secteur en transition

Les supermarchés ont la capacité d’utiliser leur position dominante dans les chaînes d'approvisionnement de manière responsable. Un engagement fort des enseignes comme Lidl est sans conteste un premier pas important pour accompagner le secteur dans la transition vers une production durable qui inclut le bien-être du producteur.

« Cela prouve qu’un tel engagement est possible, même dans la réalité économique très dure du marché belge », souligne Nicolas Lambert. Tous les grands acteurs de la grande distribution s’engagent, chaque jour un peu plus, pour un monde durable. Mais être durable veut dire aussi offrir à ceux qui sont à l’origine de nos chaînes d’approvisionnement des conditions de rémunération décentes et des perspectives d’avenir positives. C’est une tâche ardue pour laquelle le commerce équitable offre des solutions concrètes.

Fairtrade s'est engagé à travailler avec des partenaires à tous les niveaux pour parvenir à un secteur de la banane plus durable. Un secteur qui permette aux agriculteurs et travailleurs de gagner décemment leur vie tout en mettant en place un plan de développement durable qui respecte l’environnement. « Nous aimerions que cet engagement de Lidl puisse inspirer les autres distributeurs à faire des pas significatifs dans la promotion des bananes issues du commerce équitable. »