L’heure tourne !

2%. C'est la part du fonds d’adaptation au changement climatique qui actuellement aboutit chez les petit.e.s exploitant.e.s agricoles. Pourtant, iels produisent 35% de notre alimentation (pour la production de café, il s’agit même de 73%) et sont directement touché.e.s par le changement climatique. Cela te semble juste ?

Le verdict des récents rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est unanime et cinglant : le climat de la planète change, et ce changement a été déclenché par l’homme. L’objectif climatique fixé en 2015 par les Accords de Paris, à savoir maintenir les températures mondiales en dessous du seuil de 1,5°C, est toujours à portée de main, mais la probabilité de l’atteindre continue de s’estomper à mesure que le temps passe et que l’action climatique piétine. La nécessité d’un changement radical et urgent est désormais primordiale.

Il n’y a pas de doute : nous devons de toute urgence transformer notre économie mondiale en un système durable pour tous et toutes, partout dans le monde. Dans le cadre de notre ambition pour un avenir durable, nous devons commencer par nous pencher sur le commerce international. De la production à la consommation, le commerce international reste aujourd’hui un facteur important de la crise climatique. L’enjeu réside avant tout dans son fonctionnement inéquitable, qui répartit de manière inégale les impacts du changement climatique sur les personnes les plus vulnérables et les moins responsables du statu quo. Cela doit également changer.

En effet, les petits exploitants agricoles, les petites et moyennes entreprises (PME) et les travailleurs des pays à faible revenu où sont produits les produits issus du commerce équitable contribuent le moins aux émissions de gaz à effet de serre, mais ce sont eux qui souffrent le plus des effets néfastes du changement climatique. Les preuves sont claires et elles illustrent la gravité et la fréquence des événements climatiques, brossant un tableau saisissant de la manière dont les vagues de chaleur, les précipitations irrégulières et les autres changements climatologiques affectent actuellement les petits exploitants agricoles, les travailleurs et leurs communautés..

Mais ce n’est pas l’avenir que nous voulons, et ce n’est pas l’avenir pour lequel nous travaillons. Le mouvement du commerce équitable envisage une société qui respecte à la fois les personnes et la planète tout en adoptant des approches durables sur les marchés mondiaux où la réglementation favorise une production et une consommation durables. Plus de 1,9 million de producteurs, de PME et de travailleurs au coeur du commerce équitable sont la preuve que de nouveaux modèles économiques fondés sur la solidarité et les partenariats existent bien. Et qu’ils fonctionnent.

Notre appel à l'action.

Les gouvernements

  • Respecter la promesse de financement climatique de 100 milliards de dollars d’ici la fin 2022.
  • Régler les pertes et les dommages f Veiller à ce que le financement climatique profite aux petits exploitants agricoles, aux PME et aux travailleurs, notamment en les associant à la conception des programmes climatiques.
  • Poursuivre une politique commerciale en faveur des droits humains et de l’environnement.
  • S’accorder sur des réglementations qui s’attaquent aux causes profondes de la dégradation de l’environnement (par exemple la déforestation) en pénalisant le non-respect des règles, tout en veillant à ce que la charge du respect de ces réglementations n’incombe pas aux petits exploitants.

Les entreprises

  • Aider les producteurs, les PME et les travailleurs à faire face aux coûts de l’adaptation et de l’atténuation.
  • Payer des prix équitables aux petits exploitants agricoles, aux PME et aux travailleurs.
  • Travailler en collaboration à l’intérieur et à l’extérieur des chaînes d’approvisionnement pour atteindre ces objectifs.

Comment le commerce équitable agit-il pour le climat ? 

Les organisations du commerce équitable ont une profonde compréhension de la nature interconnectée des droits humains et environnementaux, et nous continuons à prendre des mesures concrètes pour faire progresser ces droits. À ce jour, 1 880 organisations dans plus de 70 pays produisent des biens certifiés équitables, y compris des crédits carbone équitables. Les projets de crédits carbone Fairtrade ont d’ailleurs permis d’éviter plus de 650 000 tonnes de CO2e, générant plus de 7 millions d’euros de ventes au cours des cinq dernières années. Plus de 450 entreprises de commerce équitable vérifiées dans le monde montrent que d’autres modèles commerciaux sont possibles.


De la Papouasie-Nouvelle-Guinée au Mexique, les organisations de producteurs certifiées “commerce équitable” investissent également dans l’ouverture d’alternatives économiques viables pour les nouvelles générations d’agriculteurs des pays producteurs. Il s’agit d’évaluer l’exposition desdites organisations aux risques environnementaux, travailler avec elles pour mettre en oeuvre des plans d’adaptation au climat et collaborer à des efforts de formation pour soutenir les jeunes leaders dans la protection et la restauration de la nature. Aujourd’hui, plus de 500 organisations de commerce équitable à travers l’Asie, le Pacifique, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Amérique latine adoptent des pratiques agroécologiques et des chaînes d’approvisionnement durables. La plupart d’entre elles produisent des produits tels que du café, du cacao, des bananes, mais aussi du textile, des bijoux, de la décoration intérieure et des aliments transformés.


Le commerce équitable est convaincu que la crise mondiale climatique et de la biodiversité sans précédent ne peut être abordée qu’avec une compréhension profonde des contextes humains, afin d’avancer avec un modèle économique durable facilitant les solutions pour les personnes les plus touchées. En tant que mouvement mondial, nous reconnaissons le besoin urgent de travailler à l’éradication des dynamiques de pouvoir injustes dans le commerce mondial, régional et national, en transférant le pouvoir aux producteurs, aux travailleurs et aux artisans. C’est pourquoi, lors de la COP26, nous avons appelé tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement mondiale à s’engager, à prendre leurs responsabilités et à s’approprier la lutte contre le changement climatique en concluant des accords commerciaux justes pour les populations et la planète, et en appliquant leur devoir de vigilance en matière de droits humains et d’environnement..


En appliquant la vision de l’action climatique du commerce équitable, les organisations et les entrepreneurs certifiés encouragent les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, luttent contre la déforestation, et promeuvent la restauration de la santé des sols afin d’améliorer leur potentiel productif, limitant ainsi l’expansion des terres agricoles dans les endroits à fort stock de carbone. Ces actions favorisent l’utilisation efficace des ressources naturelles d’une manière écologiquement durable, en protégeant, gérant et restaurant les écosystèmes modifiés qui affectent les communautés les plus vulnérables.


L’objectif du commerce équitable : “Une transition équitable et entièrement financée”


Les communautés de petits exploitants agricoles et les PME comprennent mieux que quiconque comment le changement climatique affecte leur environnement local et elles peuvent fournir des informations précieuses sur la manière de procéder aux changements nécessaires pour devenir plus résilientes et plus durables. Les communautés et les PME agricoles doivent être en mesure d’orienter les programmes de réduction des émissions de carbone et d’en tirer des avantages communautaires et financiers clairs. Elles doivent également bénéficier d’un niveau élevé de captage supplémentaire du carbone. Mais pour parvenir à un avenir plus équitable et plus durable pour tous, les acteurs clés de notre chaîne d’approvisionnement mondiale devront s’engager, faire plus et faire la différence. Et ils devront le faire en plaçant au centre de leurs préoccupations les besoins des communautés de petits exploitants agricoles et des PME.


Les États membres et leurs gouvernements doivent apporter un soutien essentiel aux communautés pour qu’elles puissent mobiliser et exploiter les connaissances locales et celles des experts en matière de changement climatique. En outre, ils doivent tenir leurs promesses en matière de financement de la lutte contre le changement climatique et créer un système réglementaire récompensant les performances environnementales et sanctionnant les dommages causés à l’environnement. Quant aux entreprises, elles doivent reconnaître la véritable valeur des denrées alimentaires et des autres ressources naturelles et les payer à un prix plus juste. Le paiement de prix équitables, le respect de la valeur réelle des produits et l’adhésion à des pratiques commerciales équitables permettent aux producteurs, aux PME et aux travailleurs des pays à faibles revenus de disposer des ressources nécessaires pour réaliser les investissements indispensables à l’adaptation au changement climatique et à son atténuation.


Si le commerce mondial ne demande pas à tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement de partager équitablement la responsabilité de veiller à ce que leurs pratiques ne nuisent pas aux personnes et à la planète, la justice climatique ne deviendra jamais une réalité. Les décideurs politiques doivent mettre en oeuvre leur promesse climatique et inviter les acteurs de la chaîne d’approvisionnement à joindre leurs forces au mouvement du commerce équitable et à ses partenaires pour démontrer comment construire la justice climatique dans les systèmes commerciaux.


Pour assurer un avenir durable, il est également essentiel que toutes les parties prenantes veillent à ce que les coûts liés au respect de la législation actuelle et future en matière d’environnement et de climat ne soient pas répercutés sur les producteurs. Au contraire, ils doivent se traduire par de meilleurs prix pour les produits qu’ils proposent, ainsi que par de meilleurs salaires, afin d’assurer des revenus et salaires vitaux, ingrédients clés d’une chaine de production durable.


Le commerce équitable appelle les États membres

  • Le commerce équitable soutient fermement les appels internationaux pour que les pays riches tiennent leur promesse de verser les 100 milliards de dollars de financement climatique promis d’ici la fin de 2022 et développent des stratégies essentielles pour aider les communautés vulnérables à surmonter les pertes et les dommages causés par le changement climatique. En réitérant cet appel, nous voulons que ces fonds atteignent les petits exploitants agricoles, les travailleurs et les PME, et nous appelons à ce que ces parties prenantes soient habilitées à arbitrer sur leur utilisation.
  • Dans le même esprit, nous appelons tous les États membres à soutenir, permettre et encourager les partenariats durables. Les États membres doivent promouvoir et inciter la production durable par le biais de systèmes de taxation ou de conditionnalités tarifaires pour les produits durables dans les accords commerciaux. De notre expérience, les partenariats sont plus efficaces lorsque les producteurs et les PME sont au centre de la prise de décision.
  • Le financement climatique doit également profiter aux petits exploitants agricoles et aux travailleurs. C’est pourquoi nous appelons à des financements et à des partenariats au niveau des exploitations agricoles qui donnent aux petits exploitants et aux travailleurs les moyens de s’adapter et de devenir plus résilients, tout en contribuant à des chaînes d’approvisionnement “net zéro”. Alors que moins de 2 % du financement climatique parvient actuellement aux petits exploitants, les critères et procédures d’attribution des mécanismes de financement comme le Fonds Vert pour le Climat – ainsi que les nouveaux engagements tels que le fonds contre la déforestation annoncé lors de la COP26 – doivent être rendus accessibles aux producteurs et à leurs organisations de manière claire et non bureaucratique.

Le commerce équitable appelle le secteur privé

 

  • Le mouvement du commerce équitable demande instamment un soutien collaboratif et transformateur tant au niveau des consommateurs que de la production dans toutes les chaînes d’approvisionnement. Il est injuste que les communautés vulnérables des pays à faibles revenus absorbent le coût total de la crise climatique. Ce sont elles qui ont le moins contribué au changement climatique et qui en subissent pourtant les conséquences les plus néfastes. La responsabilité de payer la facture de la lutte contre le changement climatique revient avant tout aux responsables historiques des émissions. Nous ne pouvons pas attendre des petits exploitants agricoles, des PME et des travailleurs qu’ils supportent le coût de la transition vers un avenir durable tandis qu’ils sont trop peu payés pour les biens qu’ils produisent et que les pratiques commerciales d’exploitation concentrent le pouvoir au sommet des chaînes d’approvisionnement.
  • Notre système commercial mondial exige une transition rapide et complète vers des pratiques durables, notamment le versement de revenus et de salaires vitaux. Les prix dramatiquement bas et les conditions inéquitables que connaissent les petits exploitants agricoles, les travailleurs et les PME les empêchent, ainsi que leurs communautés, de prospérer comme ils le méritent. Un commerce mondial entraînant une détérioration de l’environnement et des droits humains et du travail ne devrait pas être considéré comme équitable.



Le commerce équitable appelle à des politiques favorables aux personnes et à la planète

  • La politique commerciale mondiale doit soutenir les normes environnementales les plus strictes et les droits humains et du travail, et doit s’efforcer de réduire radicalement les émissions de carbone. Il s’agit de favoriser les meilleures pratiques et l’innovation bas carbone, d’encourager la production et le commerce de produits durables, et d’encourager l’adoption de technologies durables le long des chaînes d’approvisionnement, y compris les investissements dans les options de fret durable.
  • Nous savons que les impacts de la crise climatique sont déjà ressentis par les communautés locales des pays à faibles revenus. La politique commerciale a donc un rôle essentiel à jouer pour faire en sorte que davantage de valeur atteigne les producteurs, les PME et les travailleurs afin de soutenir des revenus et des salaires vitaux. En outre, la politique commerciale doit leur permettre d’investir dans des techniques d’adaptation et d’atténuation cruciales tout en oeuvrant en faveur des résultats du développement, de l’intégration régionale et d’un meilleur accès aux marchés.
  • En outre, tous les accords commerciaux doivent démontrer un engagement inébranlable envers les droits humains, les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT), les Objectifs de développement durable (ODD) et l’Accord de Paris par le biais d’exigences contraignantes et applicables. Ce n’est que de cette manière que nous pourrons faire du commerce, du développement et de l’environnement des éléments correspondants de la solution à la crise climatique.


Le commerce équitable appelle à un devoir de vigilance en matière de droits humains et d’environnement

  • Le commerce équitable appelle à la multiplication des initiatives visant à renforcer les règles relatives à l’environnement et aux droits humains, telles que celles actuellement menées par l’Union européenne. En particulier, nous nous réjouissons des propositions de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et de règlement pour des produits « zéro déforestation ». Le mouvement du commerce équitable se félicite également de la reconnaissance par la Cour suprême du Brésil de l’Accord de Paris en tant que traité sur les droits humains, ainsi que du projet de loi sur l’environnement du Royaume-Uni visant à lutter contre la déforestation dans les chaînes de valeur afin d’éviter les conséquences négatives involontaires pour les producteurs.
  • Le mouvement du commerce équitable estime que personne ne doit être laissé pour compte. Par conséquent, nous appelons les responsables politiques à s’attaquer aux causes profondes de la déforestation et de la dégradation des forêts, tout en produisant de nouvelles réglementations du marché. Cela implique, entre autres, de souligner explicitement l’importance des salaires et revenus vitaux dans la législation sur le devoir de vigilance, ainsi que d’évaluer la manière dont les pratiques d’achat des entreprises, y compris les prix, impactent les droits humains et l’environnement. Il s’agira également de s’engager à mettre en place des mécanismes complémentaires de soutien financier pour les petits exploitants, par le biais de dépenses d’aide publique, de partenariats public-privé et/ou de soutien aux PME.
  • Nous demandons également l’introduction de mesures solides pénalisant les entreprises qui ne se conforment pas aux réglementations climatiques et garantissant que les petits exploitants agricoles, les PME et les travailleurs bénéficient d’un soutien financier pour faire face aux coûts liés au respect des mesures de devoir de vigilance. Les coûts de la crise climatique ne peuvent pas être portés par ceux ne l’ayant pas causée. Les cadres juridiques contraignants doivent être conçus et appliqués de manière à promouvoir une approche durable de l’activité économique, à empêcher la concurrence déloyale, à mettre un terme à l’exploitation des communautés et de la nature, et à garantir que les personnes concernées voient leurs droits protégés et aient accès à un recours juridique.


Notre vision pour un avenir de justice climatique


Il est injuste de faire peser le coût de notre crise climatique sur les épaules des communautés les plus vulnérables de la planète. C’est pourquoi le mouvement mondial pour le commerce équitable appelle à ce que les engagements publics en matière de climat soient appliqués et que les acteurs du commerce soient tenus responsables de leurs promesses climatiques. Mais nous ne nous arrêtons pas là.
Nous savons également que les producteurs, les travailleurs et les PME font partie de la solution pour le climat. Et nous savons que l’avenir de notre planète dépend de l’adoption d’alternatives éprouvées aux modèles de production actuels, de la priorité accordée aux investissements pour des transitions plus équitables et de la multiplication des options d’adaptation et d’atténuation climatiques au cours de cette décennie.
Les organisations et les entrepreneurs du commerce équitable savent que prendre des mesures concrètes en faveur du changement climatique est une tâche difficile et chronophage en constante évolution. Mais nous savons aussi que la justice climatique dans le commerce est réalisable. Nous sommes tous prêts à faire les investissements nécessaires pour galvaniser le changement. Mais nous appelons toutes les parties prenantes de la chaîne d’approvisionnement à faire de même.


Les organisations et entrepreneurs du commerce équitable invitent tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement mondiale à accroître leur soutien aux pays producteurs dans la gestion des risques environnementaux et l’augmentation de la résilience climatique vers un nouveau modèle économique caractérisé par la justice climatique.


Nous devons agir ensemble, et nous devons agir maintenant. Il n’y a pas de justice climatique sans justice commerciale.